Barbara Vickers – La Première initiée de Gerald Gardner ?

par Philip Heselton

 version française Tof

 

 

Gerald Gardner, « le Père de la Sorcellerie Contemporaine » a initié en Sorcellerie de nombreuses femmes. Certaines comme Doreen Valiente, Lois Bourne et Patricia Crowther, ont beaucoup écrit sur leurs expériences, mais d’autres restent comparativement peu connues, y compris une des premières, Barbara Vickers.

En 1997, dans une lettre à l’éditeur de The Cauldron, Doreen Valiente a écrit :

« Quand j’ai connu Gerald et commencé à pratiquer avec lui, il y avait dans son coven une fille blonde très belle appelée Barbara Vickers, que Gerald connaissait de toute évidence depuis un certain temps. » [1]

Dans ses cahiers, Doreen parle de l’époux de Barbara, Gilbert et sous-entend nettement qu’il était aussi impliqué dans la Wica.

J’ai relevé le défi consistant à essayer d’en découvrir plus au sujet de Gilbert et Barbara. Des bribes d’informations sont arrivées à moi avec les années, mais récemment j’ai pu entrer en contact avec la fille de Barbara.

Barbara est née Kathleen Marie Blake le 13 juillet 1922 chez ses parents domiciliés High Street à Acton dans l’ouest londonien. Thomas et Elsie Blake étaient catholiques pratiquants, Thomas est né dans à County Cork en Irlande.

J’ai l’impression que dans ses premières années elle n’avait pas le droit de faire grand chose et qu’elle profitait de toutes les occasions pour s’évader. A l’adolescence elle s’est rebellée contre le catholicisme, rejoignant tout d’abord l’extrême droite puis le parti socialiste. Elle était clairement quelqu’un capable de penser par elle-même. Une plus grande opportunités de quitter ses parents s’est présentée lorsque la seconde guerre mondiale est devenue imminente et que Barbara a rejoint l’armée un an avant de devoir le faire et est devenue caporal dans le Signals Corps.

C’est pendant qu’elle était stationnée à Catterick dans le Yorkshire qu’elle a rencontré son futur mari, Gilbert. Il est né en 1907 dans une famille d’industriels de Manchester, les patrons de la Hedley Vickers and Co., des grossistes en viande.

Ils se sont mariés le 23 décembre 1944 à Kingston dans le Surrey, où ils étaient stationnés à l’époque.

La famille Vickers était très protestante et Gilbert a persuadé Kathleen de changer son nom pour qu’il semble un peu plus Protestant. Ainsi Kathleen Marie est devenue Barbara Kathryn ! On l’a aussi persuadée de prendre des leçons d’élocution.

Quand la guerre s’est achevée, le couple a déménagé dans le nord où ils avaient une demeure familiale à Barnfield, Prestwich non loin de Manchester. C’était une grande maison et en cette période d’austérité juste après guerre, ils ne pouvaient se permettre de la chauffer et ne vivaient qu’autour de la cuisine : le reste de la maison était condamné. Ils ont plus tard essayé de la transformer en hôtel, mais ce ne fut pas un succès, en partie en raison de la difficulté de trouver du personnel.

C’est là que Barbara a vu pour la première fois un fantôme. Un jour qu’elle cherchait Gilbert elle s’est rendue dans un des couloirs condamnés et a regardé dans toutes les pièces. Elle est entrée dans l’une d’entre elles et y a vu un groupe de personnes vêtues de façon fort démodée, en train de cuire des pan cakes sur le feu. Personne n’a fait attention à elle lorsqu’elle a ouvert la porte. Elle l’a refermée en vitesse puis l’a fermée à clef, puis se rendant compte qu’il n’y aurait du avoir personne d’autre dans la maison, elle l’a rouverte et n’a plus vu que des draps protégeant les meubles de la poussière.

Ce n’est pas une histoire très passionnante, mais elle montre que Barbara était dotée d’une capacité psychique. Cette capacité semble avoir survécu à Barbara puisque lors d’une séance spirite un message de Barbara a probablement évité à sa fille d’être assassinée !

On ne sait pas trop quand Barbara a rencontré Gerald Gardner. De 1945 à 1953 Barbara et Gilbert vivaient « dans le nord » et étaient membres de la North Western Sun Bathing Society un club naturiste qui avait des forêts entre Macclesfield et Congleton dans le Cheshire au moins jusqu’en 1951. Il est possible qu’ils aient rencontré Gerald là bas ou peut être est-ce lui qui leur a fait connaître le naturisme et qu’il les a rencontrés ailleurs. Je pense que leur rencontre a probablement eu lieu après la publication de « High Magic's Aid » le roman de Gardner [2] en juillet 1949. Ce qui est sûr c’est qu’en novembre 1950, Gerald avait initié Barbara à la Wica, car deux photos où l’on voit Barbara nue, tenant des objets rituels et dans une pause caractéristique ont survécu. Le nom sorcier de Barbara était Morven, qui est le nom de la sorcière héroïne de « High Magic's Aid ».

Pendant toute la période où elle et son mari ont vécu « dans le nord » Barbara allait régulièrement à Londres pour rendre visite à ses parents. En raison de son intérêt pour le spiritisme et  l’occulte, elle s’est probablement aussi rendue à la librairie Atlantis, dans Museum Street, non loin du British Museum. Son propriétaire, Michael Houghton, avait publié « High Magic's Aid » pour Gerald Gardner et des exemplaires devaient probablement être en évidence dans ce magasin, qui était bien connu pour être spécialisé dans l’occulte. Elle a très bien pu avoir acheté un exemplaire et être ensuite entrée en contact avec l’auteur.

Ainsi, son initiation a probablement eu lieu entre l’automne 1949 et l’automne 1950. Barbara a dit à sa fille que Gerald lui avait dit qu’historiquement ce fut un événement très important, et elle a pensé que cela voulait dire qu’elle avait été une des premières sinon la première à avoir été initiée par Gerald.

Les photographies sont intéressantes. Elles ont été prises par Gilbert. Sur l’une d’entre elles il y a ce qui semble être un miroir noir, rond, d’environ 1 m de diamètre, entouré d’un cadre sur lequel les noms des quatre archanges ont été peints, peut être par Gardner. Barbara tient une coupe à deux anses en métal.

Sur la seconde photo elle est assise, les bras croisés et tient ce qui ressemble à une escourge et une baguette. Elle porte un grand bracelet en métal semblable à ceux que Gardner a faits pour ses autres prêtresses. Elle porte aussi un pendentif avec ce que sa fille décrit comme « une adorable pierre verte ». Près d’elle, sur le lit sur lequel elle est assise, il y a un livre d’environ 20 X 13 cm, qui semble être manuscrit et pourrait bien être ce que nous appellerions maintenant son Livre des Ombres. Nous savons qu’elle avait un tel livre, puisque dans la version dactylographiée de ce qui est généralement connu comme « Livre des Ombres de Jack Bracelin » il y a sur une page une annotation manuscrite où l’on peut lire « du livre de B.V. »

Ces photos sont d’une importance considérable puisqu’elles montrent pour la première fois quelqu’un faisant partie de ce que Gardner appelle « le Culte des Sorcières » nue, avec des objets et dans une position caractéristique.

Selon la presse il semble qu’il y avait un coven qui se réunissait au Fiveacres Club à Bricket Wood fin 1951 et Barbara était certainement membre d’un coven qui s’y retrouvait ainsi qu’à l’appartement de Gerald sur Holland Road début 1953 lorsque Doreen Valiente y est allée pour la première fois. Vraisemblablement elle parvenait à s’arranger pour participer aux réunions du coven lors de ses visites à ses parents à Acton.

La fille de Gilbert et Barbara est née dans Cheshire en mars 1952, mais dés le mois de septembre le couple s’est séparé et Barbara est revenue à Londres avec son bébé pour vivre avec ses parents.

Cela plaçait Barbara dans une situation embarrassante : ses parents étaient très catholiques et n’auraient pas pardonné à leur fille d’être impliquée dans ce qu’ils appelaient « abracadabra » tout en vivant avec eux.

Barbara a fait ce qu’elle a pu et quand sa fille fut assez âgée pour rester chez ses parents sans elle, elle s’est pris un appartement sur Knightsbridge, qui fut le lieu de rendez-vous de ce qui semble avoir été un genre de groupe spirite qui se réunissait de façon régulière. Elle a aussi continué à être membre du coven de Gerald qui, à cette époque, se réunissait dans l’appartement de Gerald sur Holland Road.

Vers la fin 1954 il semble qu’elle ait cessé d’assister aux réunions du coven, car à la mi-novembre de cette année, dans une lettre à Gilbert, elle mentionne qu’elle avait vu Gerald et qu’il avait beaucoup maigri ce qui laisse à penser qu’elle ne l’avait plus vu depuis longtemps. Cela s’est probablement passé à l’occasion de la fête organisée pour la sortie du nouveau livre de Gerald, « Witchcraft Today » [4], qui fut publié le 1er novembre. La fille de Barbara détient toujours l’exemplaire de ce livre où Gerald a écrit « Pour l’Une de la part d’un autre. Pour Barbara avec l’Amour de l’auteur. Gerald. 2 novembre 1954. Sois Bénie. » avec les habituels symboles de l’escourge et du pentagrame.

Il est probable que la dernière fois que Barbara ait pratiqué avec le coven de Gerald fut lors des initiations de Jack Bracelin et de Dayonis, probablement lors de la Pleine Lune de mars 1956. Je pense qu’elle est venue pour rendre service à Gerald car Doreen Valiente, la Grande Prêtresse du coven n’était pas disponible. Barbara a écrit une autre lettre à Gilbert le 4 avril 1956 [5] dans laquelle elle parle de sa rencontre récente avec Gerald (elle ne le rencontrait plus que rarement) et dit encore qu’il est très maigre.

Je pense que Barbara a probablement estimé qu’élever sa fille dans la foi catholique, ce qu’elle avait accepté de faire, était incompatible avec le fait de rester membre du coven. Et, des années plus tard elle était plutôt hostile à la Sorcellerie. En 1959, elle a vu une apparition de Gerald Gardner au pied de son lit (cela a probablement eut lieu à une période où il était très malade) et bien qu’elle ait déjà vu des fantômes auparavant et qu’elle participait régulièrement à des séances de spiritisme cela l’a tellement effrayée que dés le lendemain elle a jeté tous ses objets liés à la sorcellerie. On ne peut qu’espérer que les éboueurs aient pris conscience de la valeur de ces objets et qu’ils sont toujours quelque part !

Barbara est décédée en 1973, Gilbert en 1978.

Il reste plusieurs questions sans réponse au sujet de Barbara Vickers. Nous ne savons toujours pas quand exactement elle et Gerald se sont rencontrés et le rôle que Gilbert a joué. Nous savons qu’il était également initié, puisque Gerald, dans une lettre à Cecil Williamson vers 1953/54, dit : « Vous comprenez qu’on ne peut vous révéler tous les secrets de la Sorcellerie à moins de nous rejoindre + prêter serment. Barbara + Gilbert y étaient disposés, mais vous non. » [6]

Et lorsque Gerald affirmait que Gilbert et Barbara étaient membres d’un coven traditionnel du Cheshire, disait il la vérité ? Il n’y a aujourd’hui réellement aucune preuve allant dans ce sens et je pense qu’il ne s’agit que d’une autre petite invention de Gerald. Il affirmait aussi que Doreen Valiente, Dayonis et de Lois Bourne descendaient de longues lignées de sorcières pour essayer d’ajouter un peu d’authenticité à la Wica, et je crois que ce qu’il affirmait pour Gilbert et Barbara il le faisait dans le même contexte.

Mais nous ne savons toujours pas grand chose au sujet de l’histoire du « culte des sorcières », comme l’appelait toujours Gerald, et il est bon de pouvoir écrire, même brièvement, au sujet de ceux qui jusqu’à présent n’étaient que des noms pour les historiens de la Wica.

 

Notes:

Mes remerciements vont à Miranda Vickers, la fille de Barbara qui m’a encouragé à écrire ce texte, qui a fourni une grande partie des informations qui le composent et qui m’a aussi accordé l’autorisation de reproduire des photos.

[1] Lettre de Doreen Valiente à Mike Howard datée du 24 mars 1997 conservée dans la collection de Musée de la Sorcellerie de Boscastle.

[2] Scire (G.B. Gardner) « High Magic's Aid » (Michael Houghton 1949)

[3] Lettre de Barbara Vickers à Gilbert Vickers le 11 novembre 1954 - copie dans la collection de l’auteur.

[4] G.B. Gardner « Witchcraft Today » (Rider 1954)

[5] Lettre de Barbara Vickers à Gilbert Vickers le 4 avril 1956 - copie dans la collection de l’auteur.

[6] Lettre non datée de Gerald Gardner à Cecil Williamson conservée dans la collection de Musée de la Sorcellerie de Boscastle.

 

 

Merci beaucoup à Philip Heselton qui m’a autorisée à reproduire cet article.

 

 

 

 


 

 

 

 

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