Une Conversation avec Cecil Williamson
Cecil Williamson est le propriétaire du Musée de la Sorcellerie à Boscastel. Il a maintenant plus de 8O ans. Il a amassé, avec les années, une connaissance encyclopédique concernant les pratiques et le savoir de la sorcellerie traditionnelle qu’aujourd’hui il partage avec d’autres grâce à son « Centre de Recherche sur la Sorcellerie ». Il a connu de nombreux importants occultistes britanniques des 50 dernières années dont Aleister Crowley et Gerald Gardner. Aujourd’hui c’est homme aimable et simple qui vit tranquillement dans un petit village dans le nord du Devon. Il nous a invités à le rencontrer et à passer une journée ensorcelante où il nous a parlé de sa vie et de ses croyances.
La guerre de 1914/18 faisait rage. Mon père était un officier de marine et ma mère suivait toujours son bateau. Il était dans les Dardanelles et elle est donc allée à Malte. Ce sont donc des oncles et des tantes qui se sont occupés du petit garçon que j’étais lorsque je n’étais pas à l’école.
Ainsi, lors de vacances d’été j’étais avec un oncle, c’était le Révérend William Russel-Fow pasteur de North Bowey (au bord du Dartmoor), j’avais sept ans.
C’était un après midi d’été et nous avions déjeuné. Je suis allé dans le potager de mon oncle pour voir si je pouvais chaparder des groseilles à maquereau pour le dessert. Mais je ne suis jamais arrivé jusqu’aux buissons car j’ai entendu un vacarme extraordinaire juste de l’autre côté des grands murs de pierres, dans l’espace vert au centre de North Bovey qui est toujours là aujourd’hui.
Etant un petit garçon curieux, j’ai ouvert la porte du jardin et j’ai vu des gens courir dans cette direction et crier. Il y avait de toute évidence des gens qui s’y battaient. J’ai couru là-bas et par terre, j’ai vu une veille dame qu’on appelait « Tatie May » et ils la déshabillaient entièrement ! Je dis « ils », il s’agissait de quatre ou cinq ouvriers agricoles. Et il y avait là cette pauvre vieille femme que je connaissais, elle vivait près de l’entrée du presbytère, et on lui avait passé ses vêtements par-dessus la tête. J’ai alors couru vers elle, comme un petit enfant l’aurait fait, car elle a toujours été bonne pour moi et je me suis interposé.
Ensuite j’ai été bousculé et frappé puis tout d’un coup tout fut totalement calme. Lorsque je me suis relevé mon oncle se tenait devant moi. On m’a dit de retourner à la maison mais j’ai appris ensuite que ces ouvriers agricoles étaient allés au café, s’étaient saoulés et s’étaient excités car ils pensaient que cette petite mamie, qui devait avoir plus de 70 ans, avait jeté un sort sur leurs troupeaux. Ils disaient que c’était une sorcière et qu’ils cherchaient le téton du diable.
Environ une semaine plus tard, je suis allé dans un endroit que j’aimais bien, une île dans un fleuve où poussaient des framboises sauvages. J’étais en train de m’amuser lorsque soudainement j’ai entendu une voix qui disait : Hello petit maître. C’est toi qui es venu me voir. » J’ai regardé autour de moi et j’ai vu un saule qui surplombait le fleuve et juste à côté cette même petite vieille dame. Elle est descendue au bord du fleuve et elle m’a montré comment taquiner la truite.
Je lui ai demandé pourquoi les gens étaient aussi méchants avec elle. J’ai fait plus connaissance avec elle et elle m’a raconté beaucoup de choses qui pourraient être considérées comme du folklore. C’est ainsi que j’en ai appris beaucoup sur les sorcières.
Elle m’a raconté beaucoup de choses qui étaient tout à fait sensées : par exemple si vous prenez une pierre en main et que vous la laissez tomber, elle tombera par terre. Et vous pouvez faire la même chose des milliers de fois et rien ne pourra faire que la pierre fasse autre chose. De même, le mouillé et mouillé, le chaud est chaud et le froid est froid. Prends les faits de la vie, m’a-t-elle dit, et n’écoute pas toutes les théories
Lorsque j’avais 12 ou 13 ans (dans les années 1920) un de mes petits boulots était de convoyer du pain pour Kennedy Cox avec les taxis des quartiers des docks pour le livrer à une œuvre de bienfaisance à Canning Town. Dans cette région la pauvreté était absolument incroyable, il y avait de nombreuses petites maisons pouilleuses. Il n’y avait pas de dispensaires comme nous les connaissons maintenant et il y avait des masses d’enfants malades, avec de l’eczéma et des bronchites et bien sûr il y avait aussi des avortements. Et j’ai rencontré une guérisseuse moyenâgeuse qui connaissait tous les remèdes même dans le quartier des docks. Et il y avait au cœur de la ville ce culte semi-clandestin de guérisseuses et de personnes qui disaient la bonne aventure etc.
Depuis toujours les classes supérieures ont exploité et traité de façons abominables les classes inférieures et les payaient aussi peu que possible voire pas du tout. Les deux tiers de la population mondiale ont été plutôt mal lotis. Cela me fait sourire quand dans la bible on lit le mot ADAM. Pour moi (en anglais) Adam signifie Agressive Dominant Arrogant Male et ils dominent le monde totalement et les femmes sont traitées de façon abominable. Et alors que faire ? C’est là qu’interviennent les sorcières. Mais comment peuvent-elles se défendre ? Comme la Planète Terre connait beaucoup d’injustices, si vous battez en retraite vous serez probablement à nouveau du mauvais coté du bâton et vous serez peut être tué. Mais y a-t-il des moyens plus subtils ?
La sorcière a réalisé que la bonté – cette force extraordinaire de bonté – gagne toujours à la fin et les sorcières se sont mises à généraliser le concept de rendre le mal qu’ils font à ceux qui causent du tort. Cette magie réflective est la base de ce que font toutes les sorcières. Ce n’est pas elles qui font cela : elles le font par leur force spirituelle, l’esprit familier.
Mais de nombreux esprits familiers invoquent les esprits en disant : « Je te contrains au nom de… » ensuite vous devez encore vous occuper de les délivrer de leur tâche et de les bannir. Et bien, c’est exactement comme cela qu’agit la classe supérieure vis-à-vis des serviteurs ! Ils les sonnent. Voilà une chose, il y a aussi que dans le monde des esprits, la dernière chose que fera un humain c’est de dire à un esprit ce qu’il doit faire. Si vous avez la chance d’avoir un esprit familier ou d’être capable d’en créer un, vous apprenez très rapidement qu’un esprit est une chose qui pour vous sera très bénéfique et qu’il s’occupera pour vous de nombreuses choses et il sera plus aimable à votre encontre que votre mère ne l’aura jamais été. Mais la dernière chose à faire est de le contraindre !
J’ai essayé d’intéresser Gerald Gardner à cette idée d’esprit familier. De même il est aujourd’hui très difficile de trouver un prêtre avec lequel vous pourrez avoir une conversation sensée sur les anges et pourtant lorsque vous allez dans leurs églises il y en a partout. A une époque les églises chrétiennes étaient toutes couvertes de chérubins, d’anges et de choses de ce genre. Mais maintenant si vous les questionnez sur leurs anges ils pensent que vous êtes timbrés.
Toute femme sait que vous pouvez considérer votre corps comme une structure où une force vivante peut se développer. C’est si facile pour une femme car, après tout, elles portent un enfant pendant un temps relativement long. Si vous avez une image mentale où votre corps est un temple, ou une chambre d’hôtes si vous voulez, et que vous voulez un esprit familier, voilà ce qu’il vous faut faire. Il ne faut pas que cette chambre d’hôte ressemble à un trou à rats. Il faut que vous soyez en forme et en bonne santé.
Nombreux sont ceux qui veulent rejoindre un coven et tout et tout, mais après un moment l’ennui s’installe car, voyez-vous, vous n’avez pas ce qu’avait la sorcière de campagne : un esprit familier, qu’elle le réalise ou non.
Mais dans mon cas j’ai réalisé que des choses incroyables arrivent et il faut parfois, littéralement, s’arrêter, se retourner et dire à votre familier : « merci mon cher, je ne sais que dire pour te remercier ». Puis vous commencez à vous dire que vous devez être sur le bon chemin car des choses franchement incroyables se produisent, et pas qu’une fois, tout le temps.
Tatie May ne pratique pas en groupe. Mais généralement vous constatez que les sorcières se regroupent par deux, peut être avec quelqu’un qui vit sous le même toit. Dans la sorcellerie à l’ancienne si quelqu’un se comporte mal et que vous souhaitez corriger sa conduite, vous lui plantez un signal sur sa porte d’entrée. Alors soit la personne le recouvre soit elle admet ce qu’on lui reproche.
Mais il y a toujours une sorte de personne qui vient (une personne que vous qualifieriez de sorcière blanche) et qui regarde le « signal » et dit : « Oh oui, je pense que vous devez avoir fâché quelqu’un » puis elle vous dira qu’il y a quelqu’un de meilleur qu’elle pour ce genre de chose. Et cette personne est ce que vous qualifierez de sorcière noire. Et elle vous donnera une autre opinion. Selon elle, il est bénéfique que deux personnes travaillent ensemble car l’une devient le porte-parole de l’autre et la victime ne réalise pas le lien qu’il y a entre les deux sorcières. Ainsi l’auteur du méfait a éveillé leur intérêt et elles se sont fait une idée de la chose. C’est une façon plutôt paisible et subtile de faire.
Autrefois, lorsqu’il était difficile de se déplacer les gens vivaient réellement dans une région qui ne dépassait les 40 KM, une sorcière entrait en contact avec une autre pour toute une sorte de raison. Si dans un lieu particulier il poussait un certain type de mousse ou de plante que cette personne savait récolter, elle en ramassait plus que ce dont elle avait besoin. Puis la sorcière troquait des plantes.
Dans le West Country, j’irais jusqu’à dire qu’il est difficile de trouver un village où il n’y a pas une vieille dame qu’on appelle pour régler les querelles domestiques ou entre les familles. En Cornouailles et dans le Devon les gens sont très secrets. La dernière chose qu’ils veulent c’est qu’on parle publiquement d’affaires personnelles. Mais parfois il faut agir, par exemple dans le cas où un homme se met à maltraiter sa femme et son enfant et que cela engendre de nombreux soucis. Cela peut arriver et j’ai eu le privilège d’être invité à ce qui est appelé un « bouillon ».
Un bouillon c’est quand des plantes ou des mauvaises herbes (j’ai vu qu’on utilisait du séneçon, du pissenlit, de la verveine et du chou) sont placées dans une marmite en fonte et mises à mijoter, cela a donc généralement lieu dans la cuisine. Diverses personnes sont invitées, généralement celles qui sont impliquées de près dans l’affaire, et lorsque les gens sont rassemblés les portes, fenêtres et toutes les ouvertures sont scellées avec du scotch. Parfois, de façon peu romantique, le chaudron est placé sur un cuiseur électrique, mais ce qui importe c’est que ça bouille. Le truc c’est qu’on sort une bouteille et que cette bouteille contient de l’urine de la victime. Je ne sais pas comment on se l’est procurée. La bouteille est fermée et bien fermée à l’aide d’un bouchon de liège puis on la place dans le chaudron où il y a les plantes qui bouillonnent. Et tout le monde est là dans la cuisine, assis ou debout, pendant que cela bout. Puis la vapeur se dégage, la pièce devient de plus en plus chaude, les gens commencent à transpirer. C’est vraiment une épreuve, pas une expérience agréable. Puis soudainement, dieu soit loué, l’explosion arrive, elle peut être dévastatrice, c’est tout simplement la bouteille qui éclate.
C’est fini et les portes de la cuisine sont rouvertes et tout le monde respire de l’air frais et va se rafraîchir, manger des sandwiches et boire une bière.
Ce qui est extraordinaire ce que la victime se soit mise à souffrir de maux d’estomac quelques jours plus tard et qu’elle se demande pourquoi. Puis il y a celle qu’on qualifie de sorcière blanche ou la « coureuse » qui va voir la victime. Elle discutera et sympathisera avec la personne et lui dira quelque chose du genre « D’après moi je dirais qu’on t’a désignée ». Elle lui fera ensuite un petit sermon et lui conseillera de changer. La sorcière blanche n’agit pas, la sorcière noire si.
Par exemple il y a quelque chose de simple comme un problème de voisinage et quelqu’un ouvre sa porte le matin et trouve sur le pas de sa porte les entrailles de quelque animal dans un cercle de corde rouge qui a été tressée. Dans la plupart des cas la personne marque un temps d’arrêt et dit : « ah les enfants !!! » et nettoie le tout. Mais même si la personne a nettoyé, la sorcière blanche viendra, peut être en disant qu’elle vient récolter des objets pour la brocante de la paroisse, et elle dira à la personne qui a tout nettoyé : « J’ai entendu dire qu’on a laissé quelque chose de répugnant sur le pas de ta porte l’autre jour ».
Cela ébranlera la personne qui dira : « Comment sais-tu cela ? » Et la sorcière pourra commencer à éveiller son attention sur tout cela et lui dire qu’elle a dû vraiment irriter quelqu’un pour que cela se produise. L’autre personne peut demander « Que dois-je faire ? » Si la personne est difficile à convaincre, alors il lui faudra une piqûre de rappel, ensuite elle réalisera ce qui se passe et tiendra compte des conseils.
Si non vous entrez dans une catégorie totalement différente et vous faites agir l’esprit familier auquel vous dites : « Regarde, il y a un souci ici et j’aimerais attirer ton attention sur lui ». Et vous consultez les forces étrangères à ce monde et si elles décident que oui c’est intolérable, alors vous allez (et vous devez toujours expliquer cela à votre client) rendre à l’envoyeur le mal qui est fait.
Ce monde n’est pas aussi compliqué. Cette magie rituelle dont parlent des pages et des pages écrites par des gens très instruits, n’a aucun sens. Vous pouvez vous mettre à chanter des cantiques toute la nuit, vous pouvez ordonner et finalement, à la fin de la journée, il ne s’est rien passé. Mais si vous prenez une chose toute simple et si il y a une personne qui est vraiment mauvaise et que vous agissez en dirigeant les miroirs vers cette personne et que vous lui renvoyez tout, les résultats sont vraiment incroyables.
Il y a aussi autre chose. Dans le cas d’une personne qui souffre, si vous savez qui cause cette souffrance, il y a un autre moyen d’agir : il s’agit du vent. Peu de gens portent attention à l’atmosphère ou au vent ou n’y pensent que très peu. Si, dirons-nous, il y a une personne à Exeter qui cause des problèmes, soit à vous soit à votre client, et que vous souhaitez utiliser le vent, il vous faudra attendre qui y ait un bon vent qui souffle du Sud-Ouest, un vent que vous pouvez sentir tout autour de vous, un vent qui enveloppera plus tard la personne à Exeter, un vent que rien ne pourra empêcher d’arriver jusqu’à la personne. Ce vent sera votre serviteur car c’est une force véritable. De nombreuses personnes appellent le vent « le souffle des dieux ».
Les sorcières sont dépendantes des informations qu’elles reçoivent. Si vous souhaitez vous mettre à pratiquer la sorcellerie et que vous êtes dans une certaine région, vous limitez cette région à 40 km. Puis vous allez à la mairie et vous faites des copies des listes électorales. Puis vous vous procurez des cartes de la région avec une échelle la plus grande possible et vous y indiquez chaque maison, ainsi vous savez qui vit dans chaque maison, homme, femme et enfant, dans toute votre région. Et c’est comme cela que vous allez commencer.
J’ai eu beaucoup de chance dans le West Country car je vis tranquillement et je ne suis pas comme ces nombreuses personnes que vous connaissez par les magazines et qui sont grands prêtres et grandes prêtresses. Vous n’arriveriez à rien si vous faisiez ce genre de chose par ici. Il y a aussi que le West Country a été une région sans caste. Si vous êtes salué et bien accueilli par le balayeur et l’éboueur vous verrez que vous êtes accepté et vous recevrez le plus grand honneur que je pense on pourra vous faire : une invitation.