Une Sorcière Répond

par Doreen Valiente in « Fate » de décembre 1965

 
 

Une des sorcières les plus influentes de Grande Bretagne répond à Alan Ellis de Fate ainsi qu’à d’autres personnes critiquant le Culte de la Wicca :

 

Même si nous sommes censés vivre dans un pays libre, la simple existence en Grande Bretagne du culte des sorcières met certaines personnes dans un état proche de la rage hystérique. L’article de M. Alan, J. Ellis paru dans le numéro de septembre de « Fate » et intitulé « Sorcellerie – Les Faits » en est un exemple typique.

Comme je le faisais remarquer dans ma lettre publiée dans « fate » en décembre 1964, les sorcières ne se soucient que rarement de répondre aux attaques nauséabondes. Nous préférons les traiter avec le mépris qu’elles méritent. Mais, lorsque des âneries comme celles écrites par M. Ellis trouvent leur place dans les colonnes de Fate, je pense qu’il faut y répondre.

En effet, je pense que l’article de M. Ellis puisse impressionner ceux qui connaissent réellement la sorcellerie de l’intérieur. Selon moi, ils se contenteraient de le prendre comme du journalisme à sensations sans grande valeur. Le week-end suivant la parution de cet article, trois autres sorcières avec qui, selon M. Ellis, je suis mortellement fâchée sont venues prendre une tasse de thé. Nous avons parlé et de cet article et j’en ai aussi discuté avec les représentants de deux autres covens à qui, selon M. Ellis, j’envoie des malédictions et qui m’en envoient également. Je ne devrais pas citer leurs commentaires au sujet des « informations de l’intérieur » de M. Ellis, mais ils peuvent se résumer en un mot : « Balivernes ! » 

M. Ellis a pourtant certaines « informations de l’intérieur » qui sont réellement remarquables. Il nous dit que mon vieil ami de Brighton, « Tudor Keryx » s’est autoproclamé personnage central chez les sorcières. Je connais « Tudor Keryx »  depuis des années et jamais je n’aurais suspecté cela avant, pas plus que « Tudor Keryx » d’ailleurs !      

J’ai vraiment apprécié l’article précédent de M. Ellis sur l’Afrique, mais je dois dire que je l’ai préféré dans sa version originale dans les pages de « Witchcraft and Magic of Africa » par Frederick Kaigh (Richard Lesley and Co, Londres, 1947) et « Witness to Witchcraft » par Harry B. Wright (Corgi Books, 1958). J’ai l’impression que M. Ellis a recopié des passages entiers de ces livres, surtout du premier, pratiquement mot à mot sans citer d’auteur.

Il faut aussi parler des fans de M. Ellis : le Colonel Cleaver Archer-Deene, M. Jack Randall, M. Trevor K. Rawstone et M. Malcolm K. Raymond, qui ont tous écrit tout le bien qu’ils pensaient de M. Ellis dans des lettres publiées dans Fate. Mais, hélas après avoir vérifié aux adresses citées dans ces courriers (tous les détails ont été envoyés à l’Editeur) il s’avère qu’ils n’existent pas. M. Ellis semble avoir de bons contacts avec le monde des esprits. Tous ses fans sont des fantômes. 

Même si on nous dit que « Tudor Keryx » est un personnage central pour les sorcières, M. Ellis nous assure qu’il y a des sorcières blanches et noires avec des covens qui ont mis en place un système basé sur l’argent… mais Tudor Keryx n’en connaît pas une seule ! Nous remercions infiniment M. Ellis pour son témoignage, absolument pas sollicité, car il a été affirmé par d’autres membres de la faction anti-sorcière que notre sorcellerie est un racket destiné à soutirer de l’argent.   

Je peux révéler néanmoins (comme disent les meilleurs auteurs) que la découverte de « véritables sorcières » par M. Ellis est singulièrement récente car le 17 février 1965 le « Mid-Sussex Times » a publié une de ses lettres où il affirmait « Il n’y a aujourd’hui en Grande Bretagne aucune personne pratiquant véritablement la sorcellerie parmi tous ceux qui affirment le faire… aucune sorcière véritable n’existe dans notre pays. »

En ce qui concerne l’histoire étonnante sur « la Fraternité de la Chèvre », ce nom est apparu pour la première fois dans le « Tit-Bits » du 7 mars 1964. J’ai cet article dans ma collection de coupures de presse et Bill Eyton Jones son auteur précise bien qu’il parle de gesticulations stupides et désagréables de pratiquants de la magie noire. Il n’y absolument aucune mention de sorcellerie dans cet article.   

Il est plutôt comique que M. Ellis accuse les sorcières de se comporter comme des « veuves de pécheurs ». Même s’il y a des polémiques dans le culte des sorcières, cela n’est rien en comparaison avec ce dont nous accusent ceux qui vouent une haine aux sorcières. Mais bien sur il y a des discutions entre les sorcières. Les faits montrent que le culte est vivant et bien vivant et non pas moribond comme les anti-sorcières, marchands de haines aiment à dire.

Mais que dire des contradictions chez les marchands de haine ? Il y en a un qui beugle que la sorcellerie n’existe pas, qu’elle n’a jamais existé et qu’elle ne pourra jamais exister alors que son rival parle de « vrai coven ». « Il pratiquent nus – c’est choquant ! » crie un autre. « Ils font venir des tenues sophistiquée d’Allemagne » braille un autre. Franchement messieurs, ne serait-il pas bon de parler entre vous avant de parler de sorcières ?

L’histoire de tenues « Salve Satan », des livres magiques, etc. , censés être importés d’Allemagne pour être utilisés par des sorcières britanniques, loin d’être un indice de « véritable coven » ressemble tellement à un racket commercial, qu’on serait tenté de demander à ceux qui vendent ces trucs s’ils n’ont pas des timbres philatéliques.   

En vérité, l’Art des Sages ne se pratique pas pour de l’argent. (Peut être est-ce pour cela que M. Ellis pense que nous sommes naïfs ?) Nous ne vendons pas aux gens de baguettes magiques ou de prétendus outils de sorcellerie, nous leur enseignons comment fabriquer les leurs. Ma baguette magique m’a coûté trois penny et six pence, le prix du bus pour aller à la forêt où elle fut coupée, mas j’ai dû apprendre quand la couper et quel arbre choisir. Certains d’entre nous pratiquent nus et certains d’entre nous ne le font pas. J’ai une tenue magique, j’en ai cousu à la main tous les points, ce qui est, selon la tradition, la façon dont les vêtements doivent être faits.     

En ce qui concerne ce qu’il appelle la « Crotte de Diable » que les covens Britanniques sont censés faire venir d’Allemagne, si quelqu’un fait cela il passera vraiment pour un crétin car il ne s’agit que du vieux nom de l’Ase fétide, que vous pouvez trouver chez n’importe quel bon herboriste. Il s’agit d’un stimulant de la digestion et on s’en sert depuis des années pour donner son arome distinctif à cette potion satanique qu’est la sauce Worcester.

Il y a pourtant une partie de l’article de M. Ellis qui doit être prise au sérieux. Il se vante d’avoir des informations « de l’intérieur » sur des profanations immondes d’églises du Sussex qui ont eu lieu au nom de la « magie noire ». Il cherche à lier cela à la sorcellerie. Si c’est la vérité, alors son devoir de citoyen est de confier ces preuves à la police pour qu’une enquête soit menée.      

Je mets publiquement M. Alan Ellis au défi de le faire, comme il le devrait avec toute preuve qu’il possèderait sur des cultes de magie noire « vils et sordides ».

S’il dit la vérité, alors la police sont les gens à qui en parler. Leur a-t-il confié ces preuves ? Et si non pour quelle raison ?

M. Ellis essaie de faire revivre la vieille accusation stupide qui voudrait que les sorcières rendent un culte au diable. Cela ne marchera pas car il n’y a qu’à lire les écrits de Gerald Gardner pour découvrir que, loin de faire allégeance à Satan il ne croit pas à Satan (et comme sorcière je n’y crois pas plus). Il ne se qualifie pas plus de « sorcier » ou « insiste » sur une quelconque autre personne qui le ferait. Sa biographie par Jack Bracelin (publiée par Octagon Press, Londres,1960), est intitulée « Gerald Gardner : Sorcière ». Sur ce point les faits, contrairement aux « faits » mis en avant par Ellis, ont été publiés pour le grand public depuis des années.        

Pourquoi la faction anti-sorcière est elle aussi déterminée ? Si, comme nous l’assure M. Ellis, nous les sorcières qui avons été associées au vieux Gerald Gardner, sommes si peu nombreuses, risibles et pathétiques pourquoi tout ce tapage ? Je pense que la vérité est que loin d’être un culte moribond, l’Art des Sages est tout a fait vivant et se développe – et c’est ça qui fait tant de bruit !

L’ancienne Sorcellerie ne dépend ni de Satan ni de Gerald Gardner. Il y a, selon ma propre expérience, de nombreux covens qui n’ont rien à voir avec Gerald Gardner et aujourd’hui ils s’unissent et le nombre de leurs membres augmente tout comme dans les covens fondés par le vieux Gerald lui-même.

Ce qui a beaucoup aidé à unir ces groupes fut la « petite feuille de chou » dont M. Ellis parle au lecteurs de Fate, un peu tard d’ailleurs, puisque cette revue à fait de la publicité dans Fate il y a des mois ! Son titre est « Pentagram », alors qu’il affirme l’avoir étudié, M. Ellis n’en connaît même pas le nom exact.

En ce qui concerne ses remarques sur les sorcières Britanniques qui partent aux USA, pourquoi ne le devraient elles pas ? Il y a déjà plusieurs covens en Amérique issus du culte des sorcières Britanniques et l’ancienne Sorcellerie survit dans des régions rurales d’Amérique, notamment dans la région des montagnes d’Ozark un peu comme ici.

Que M. Ellis et ceux qui écrivent comme lui le sachent. La sorcellerie a survécu aux pendaisons, aux bûchers, aux tortures, à l’exil et à toute sorte de terrorisme et ce que des siècles de persécutions n’ont pas réussi à faire, une petite campagne de presse minable n’y arrivera certainement pas.

Le vieil Art des Sages païen est notre religion et aujourd’hui nous vivons dans un pays où la liberté de religion est une des bases des droits de l’homme. Aucun gouvernement sensé, qu’il soit de droite ou de gauche ne fera machine arrière en réactivant les lois contre la sorcellerie. Alors, qu’espèrent les marchands de haine en déversant leur tas d’immondices sur des personnes qui ne leurs ont jamais causé aucun mal ? S’ils avaient un preuve quelconque des agissements dont ils accusent les sorcières, ils devraient les confier à la police et s’ils n’ont aucune preuve alors, selon moi, ce ne sont que des soufflets qu’on va laisser retomber.

Quelle est la vérité sur la sorcellerie en Grande Bretagne ? Et bien tout simplement, nous les sorcières suivons les anciennes traditions païennes qui nous ont été transmises. Nos rites peuvent varier d’un coven à l’autre, avec des différences régionales, mais nos croyances basiques sont pour ainsi dire les mêmes. Notre Dieu Cornu païen est bien plus vieux que la notion chrétienne de Satan. Nous considérons ce dernier comme une invention des prêtres pour effrayer leurs fidèles.

Les divinités païennes des sorcières, le Dieu Cornu et la Déesse Lunaire sont des personnifications des forces de la Nature. Par l’invocation et le culte, nous cherchons à nous mettre en harmonie avec la Nature et ainsi avec les Forces de Vie elles-mêmes.

Voila la signification profonde cachée derrière l’idée que la sorcellerie est un culte de fertilité. Les forces de la Nature sont les forces de la Vie Universelle. Etre en harmonie avec cette Grande Vie c’est trouver la sagesse et grâce. 

La tendance au matérialisme moderne c’est couper l’humanité de nos racines dans la Nature. Nous humains commençons à le réaliser et c’est pourquoi l’Art des Sages se développe. Partout, des hommes et des femmes cherchent dans une nature artificielle leur héritage perdu, perdu lorsqu’ils se sont éloignés de la Nature, la Grande Mère, pour suivre le chemin de l’avidité matérialiste.      

Nous croyons que les pouvoirs que nous qualifions maintenant de perceptions extrasensorielles font partie de l’héritage naturel de l’homme et nous cherchons à les développer. Le mot « surnaturel » est mal approprié. Toutes ces choses sont contenues dans la Nature.

Nous croyons aussi que la réincarnation est une loi de la Nature et notre Déesse est aussi la Déesse de Destin ou du Karma l’appelle la version orientale de l’Ancienne Sagesse.

Nos Sabbats sont des festivités religieuses ordinaires, en harmonie avec le cycle des saisons au cours de l’année. L’Esbat est la rencontre mensuelle qui se tient à la pleine lune lors de la marée haute des pouvoirs psychiques.

Combien y a-t-il de coven ici en Grande Bretagne ? Je ne sais pas, et cela fait pas mal d’années que je suis sorcière, je ne pense donc pas que M. Ellis le sache. Il, ou personne d’autre d’ailleurs, ne connaît non plus le nombre de sorcières isolées, elles ne se regroupent pas toutes dans des covens.

Il n’y a pas de titre tel que « Chef Sorcière de Grande Bretagne ». Le plupart des sorcières que je connais sont bien trop sages pour chercher à dominer d’autres personnes. Elles ont réalisé que le véritable but de la magie c’est de se dominer soi-même.

L’Art des Sages n’est pas qu’un intéressant vestige du passé. C’est une religion vivante qui a son rôle à jouer dans le futur. Mais la seule façon dont l’humanité pourra avoir un avenir c’est en faisant que les hommes apprennent à être tolérants les uns envers les autres, à respecter la liberté des autres à avoir leurs propres idées et à suivre un chemin différent, à cesser de lancer des campagnes haineuses contre ceux qui ont d’autres religions ou d’autres races.

Ce sont ceux qui haïssent les sorcières, et non les sorcières, qui veulent remonter le temps car il n’y aura pas de place pour eux dans le futur.

 


 

 

 

 

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